Les territoires ne sont pas des marques
Prenons un exemple au hasard, enfin pas tout à fait.
Nous sommes implantés en France, ou plutôt en Provence, en Provence-Alpes-Côte d’Azur pour être précis, mais dans la case Bouches-du-Rhône, un nom aux antipodes des parfums de lavande et d’olives, dans une ville nommée Marseille. D’ici, nous entendons régulièrement parler du déploiement d’une marque « Provence », qui engloberait une zone vaste et mouvante et surtout soutiendrait des produits qui en émaneraient. Mais comment définir le territoire de la Provence en tant que marque et quel serait son produit star, celui par le succès duquel une marque existe ? Marseille-Provence ?
Marseille-Provence est le nom donné par les politiques à une zone qu’ils aimeraient définir mais qui par définition est indéfinissable. Marseille Provence est le nom d’un aéroport, c’est le nom d’une Communauté Urbaine qui n’est qu’un extrait de la métropole qui l’entoure mais qui en porte le nom (Marseille Provence Métropole), alors que d’autres réclament la Métropole sur un territoire élargi. Mais certaines villes de MPM ne veulent pas d’une Métropole. C’est clair ?
Pour la CCI, Marseille-Provence est une zone d’influence précise mais différente de la Communauté Urbaine. C’est enfin le nom en 2013 d’une Capitale Européenne de la Culture à laquelle certaines villes n’ont pas voulu s’associer, et qui recouvre donc un territoire différent de toutes les définitions administratives précédentes.
Architecture de lieux, architecture de gens, architecture politique, architecture économique, vision de l’esprit.
Nous avons tenté par jeu de dessiner ce qu’on aurait appelé un « architecture de marque ». Nous vous épargnons le dessin. Car n’importe quel patron d’une structure aussi importante, en nombre de « collaborateurs » comme en importance économique, aurait fait sauter trois ou quatre étages de la fusée, fusionné les back-offices des différents étages, supprimé la moitié des sous-territoires, des marques au potentiel négatif, dégagé des budgets pour soutenir les marques emblématiques et en identifier une qui ait la destinée d’une ombrelle. Puis, chemin faisant, il aurait renommé les autres en gardant des prénoms et un nom de famille commun. Par exemple.
Peut-être dans un temps reculé, certains visionnaires avaient-ils eu ce bon sens pour baptiser leurs fiefs du nom de la famille : les Baux de Provence, Aix en Provence, Saint Rémy de Provence.
Mais le territoire n’est pas une marque, les villes ne sont pas des gammes ou des produits stars, on ne consomme pas les rues, les maisons et les gens qui vivent dedans. La logique économique ne peut se substituer à l’illogique culturelle et historique, l’objectif au subjectif et c’est heureux. Les territoires s’interpénètrent comme aucune gamme, aucun produit, aucun service.
La marque, concept narratif destiné à devenir une référence sur son univers ou son marché, reste un concept destiné au commerce. A vouloir plaquer l’ide de marque sur des territoires nous prenons tous le risque de perdre ce qui fait leur richesse, ce mélange de nature et d’humanité non asservies à une cause économique. S’il est juste de s’inspirer des savoirs et des savoir-faire acquis avec les marques, il est encore plus judicieux pour un territoire de se mettre à l’écoute de la réalité et de construire sa communication avec toute cette richesse humaine, historique, naturelle.
Chez les marques, le maillon faible de la communication est souvent l’interne, cette petite roue du carrosse mal entretenue et qui tôt ou tard le trahira en retour. Dans un territoire, l’interne, le citoyen, doit être le premier maillon fort.
Appelons un chat un chat : les territoires ne sont pas des marques, il faudrait inventer un autre mot. Il existe pourtant de beaux noms qui mériteraient qu’on s’y attarde. Ville, Région, Pays…
(Article mis à jour le 1er octobre 2013)